lundi, mars 17, 2008

La Presse : La Censure n'en finit plus


Chers amis, chères amies,
Vous trouverez ci-dessous un article censuré par le directeur de La Presse. Il est à rappeler que le directeur a enlevé l'article de la page de montage sans prendre la peine de m'appeler et de me dire ce qui ne peut pas passer dans cet article. Il est à rappeler également que les chiffres contenus dans cet article sont tirés d'un rapport de la Banque Mondiale, en collaboration avec le Ministère de l'Emploi. D'autres chiffres sont puisés dans un rapport du Ministère du développement et de la coopération extérieure. Il est à rappeler enfin que cet article est censuré au moment même où se déroule la consultation nationale sur l'emploi, décidée par le Président de la République. *






L’emploi, notre défi majeur


Il faut attendre 2017 pour que la pression de la demande d’emploi se fasse moins lourde et jusqu’à la fin de l’année 2014, l’emploi restera un véritable défi. Tous les chiffres, toutes les prévisions, toutes les projections le confirment. D’ici là et si rien n’est fait pour y mettre fin et en attendant cette échéance, le rythme de demande ne fera que s’accélérer.


Pour les diplômés du supérieur, ce sera même plus pénible car, plus il y aura de diplômés sur le marché, plus il y aura de demandeurs d’emploi. D’ores et déjà, un chômeur sur deux est aujourd’hui un diplômé du supérieur.


La demande d’emploi atteindra son point culminant durant les XIe et XIIe Plans et en 2016, 70% de la demande proviendront de diplômés du supérieur. Cette tendance à la hausse s’est fait sentir depuis les années quatre-vingt et si le chômage des diplômés du supérieur se situait à 2,3% en 1984, force est de constater qu’aujourd’hui, la barre des 16% est franchie. Pourtant, la Tunisie n’a pas lésiné sur les moyens pour asseoir un système éducatif fiable et prometteur, et dès l’Indépendance, tout a été engagé pour faire réussir cette politique. Les résultats en furent même concluants et nos diplômés avaient leur pesant d’or.

Leur réputation était en béton et on n’avait rien à envier aux systèmes les plus en vue en Europe. Ces efforts n’ont jamais été démentis et jusqu’à aujourd’hui, la Tunisie consacre environ 5% de son PIB à l’éducation, ce qui est énorme, compte tenu de ses capacités, et un peu plus de 1% au profit de programmes d’encouragement à l’emploi, une proportion égale à celle de l’Union européenne et supérieure à celle de l’Algérie et du Maroc qui ne dépasse pas 0,6%. Les résultats auxquels on devait légitimement aspirer peinent pourtant à suivre.

Des programmes dont presque personne n’arrive à en maîtriser ni le nombre ni le contenu, des mécanismes à profusion, des textes en quantités énormes ne parviennent pas, ou à peine, à endiguer le flot sans cesse grandissant des demandeurs d’emploi.

Alors où est le problème ? Comment le résoudre ou l’empêcher de prendre des proportions dangereuses ? La consultation nationale sur l’emploi dont les travaux préliminaires sont actuellement en préparation par le comité d’organisation de la-dite consultation portera justement sur cette question. La tâche est extrêmement difficile compte tenu de la complexité et de la difficulté liées à la question et parce que c’en est le cas, il est, d’ores et déjà prévu d’y faire participer le maximum de Tunisiens.


Elle devra ainsi toucher tout le monde, interpeller chaque citoyen, quel que soit l’endroit où il se trouve, l’ambition étant d’amener tout le monde à s’exprimer sur la question de l’emploi, à proposer et à rivaliser d’idées. Notre salut en dépend. Notre avenir aussi.


En attendant, quelques constats s’imposent. La question se rapportant en premier lieu aux diplômés du supérieur et à la formation qui leur est dispensée, il est temps d’en discuter la qualité.C’est d’ailleurs un secret de Polichinelle et tout le monde, politiciens, universitaires, médias, n’a pas cessé depuis des années d’en parler et d’en dénoncer le déficit.L’emploi, notre défi majeur «Un déficit linguistique grave, surtout en français et en anglais», dira cet ancien professeur universitaire converti après la retraite en promoteur, car à quoi sert tout le savoir du monde si l’on ne sait pas le communiquer aux autres ? «Ce déficit est aggravé par un déficit en compétences professionnelles permettant aux diplômés du supérieur d’être opérationnels en entreprise», ajoutera la même personne.

Or, l’objectif d’un enseignement, quelle qu’en soit la nature, n’est-il pas de former pour être employé immédiatement ? Pour être passés à côté, des jeunes en nombre grandissant ont de la peine à s’accrocher à un boulot, à maîtriser une tâche ou à être convenablement rémunérés. Le travail précaire est leur lot et beaucoup d’entre eux n’ont de choix que de traîner à longueur de journées dans les cafés et à vivre aux dépens de leur famille, ou à accepter un travail pour lequel ils n’ont jamais été formés.


D’autre part, il existe une rupture et une déconnexion quasi totale entre la recherche et la formation, entre l’entreprise et l’université. Les passerelles sur lesquelles on s’est vainement étendu en ces années 89 et 90 et qui auraient dû jouer le rôle d’axe mobile entre l’université et l’entreprise n’existent toujours pas. Or, si cette question de la qualité de la formation n’est pas prise au sérieux, toutes les chances de croissance seront compromises.


L’université étant aussi la résultante de son environnement, il est clair qu’il est devenu primordial de diffuser une nouvelle culture, celle de l’entreprise et de l’entrepreneuriat, et cela du primaire jusqu’au supérieur. L’organisation de cycles de sensibilisation et d’information, en s’appuyant sur des exemples concrets de réussite sachant que cette démarche a profité ailleurs, n’en sera que bénéfique.



Fadhila BERGAOUI *

1 commentaire:

Ghoul a dit...

Bravo pour cet article très pertinent, et bravo pour avoir bravé la censure et posté sur le web...